L'histoire des matières fait directement écho à celle de l'architecture. Il est impossible d'envisager l'une sans l'autre, ainsi cet article présente l'évolution des matières majeures en architecture.
Qu'elles soient brutes ou transformées, naturelles ou artificielles, les matières sont au cœur même de l'histoire architecturale. Tout comme il est impossible d'envisager l'histoire de la peinture sans parler de l'évolution des pigments, il n'est pas possible de parler d'architectures ans parler des matières qui constituent les monuments.
Les matières majeures dans l'histoire de l'architecture
Les matières, ou matériaux, incontournables dans l'histoire de l'architecture sont les suivants : le bois, la pierre, le verre, le métal et le béton. Bien qu'il soit un type de pierre artificielle, le béton possède une place primordiale dans l'histoire de l'architecture. Pour cette raison, il est considéré comme un matériau à part entière, distinct des pierres naturelles et des autres pierres artificielles que sont l'argile et les briques.
Derrière ces dénominations générales se cachent parfois des multitudes de matières différentes, comme le démontre la distinction entre les pierres naturelles et les pierres artificielles. Afin d'avoir une vision plus claire sur ces différentes matières, cet article va se concentrer sur chacune de ces matières.
Le bois
Matériau très répandu dès le paléolithique, le bois est utilisé comme élément structurel puis comme élément décoratif. À la préhistoire, le bois sert d'élément de structure recouvert de peaux de bêtes.
Les premières maisons intégralement en bois apparaissent grâce à la sédentarisation. Le bois devient alors un matériau de premier choix en architecture, notamment grâce à ses nombreux atouts. En effet, le bois est à la fois économique et robuste, résiste à la pression comme à la flexion et offre une bonne isolation thermique. Avec la naissance des premières maisons en bois apparaissent différentes techniques de construction, certaines encore observables aujourd'hui, comme les maisons en rondins ou à pans de bois.
Majoritairement utilisé au Moyen-Âge, le bois se fait ensuite de plus en plus rare. En effet, les villes se développant, les maisons se rapprochant, les risques d'incendies s'amplifient et les propriétés inflammables du bois jouent en sa défaveur. Néanmoins, le matériau demeure utilisé pour quelques éléments spécifiques : les poteaux, les huisseries, les parquets, les charpentes. Il se fait parfois apparent sur les façades des monuments, complété par différents matériaux comme la brique, le torchis, le plâtre ou la pierre. Ces associations créent des styles architecturaux devenus caractéristiques de certaines régions, à l'instar des maisons à colombage en Normandie.
Au XIXe siècle, l'avènement du béton, du métal et du verre, matériaux fétiches de l'architecture moderne, évince petit à petit le bois des créations architecturales. Toutefois, dans les années soixante, le bois connaît une seconde jeunesse grâce à la modernisation et l'industrialisation de la filière.
Avec ses grandes qualités esthétiques, le bois est une matière noble et incontournable en architecture. Qu'il soit utilisé avec parcimonie ou abondance, le bois apporte un cachet inimitable aux pièces et monuments.
L'art de la marqueterie
Le bois est également un matériau très apprécié pour ses qualités esthétiques, utilisé en marqueterie. La marqueterie est un assemblage décoratif produit avec différentes pièces de bois et autres matières précieuses. En juxtaposant différentes essences de bois avec de l'ivoire, de la laque ou du métal selon un dessin déterminé, la marqueterie permet de créer de véritables œuvres d'art. Les décors obtenus peuvent être figuratifs, abstraits ou géométriques.
La marqueterie est utilisée aussi bien sur du mobilier, des objets, des planchers, murs et plafonds. La beauté naturelle émanant de chaque essence de bois, combinée à des matières précieuses et lumineuses, donne à la marqueterie un aspect esthétique incomparable. L'art de la marqueterie se pratique également avec de la paille.
La pierre
Depuis la préhistoire, la pierre est utilisée pour réaliser divers objets. Derrière la dénomination "pierre" se cachent en réalité une multitude de matières, certaines naturelles et d'autres artificielles. Les pierres naturelles les plus utilisées en architecture sont les suivantes : le granite, la pierre meulière, l'ardoise, la marne, le calcaire et le marbre. Les pierres naturelles sont particulièrement appréciées pour leurs qualités esthétiques, notamment le marbre et le calcaire.
Les majestueux temples grecs sont la plus ancienne trace de l'utilisation de la pierre naturelle en architecture. En l'occurrence, la pierre utilisée pour construire ces temples est le marbre. Dans la Grèce antique, le marbre est la pierre la plus prestigieuse et prisée, appréciée pour son fini lustré et sa belle lumière.
Au Moyen-Âge, les tailleurs de pierre font leur apparition. Véritable métier d'art, le savoir-faire des tailleurs de pierre apporte une nouvelle dimension à l'utilisation de cette matière. La pierre est utilisée avec de plus en plus de raffinement. Les cathédrales de style gothique, et notamment le gothique flamboyant, démontrent toute la puissance du travail des tailleurs de pierre. Les innovations architecturales liées à l'utilisation de la pierre permettent également aux monuments de prendre de la hauteur. Les élégantes arches pointues, voûtes nervurées ainsi que les contreforts battants sont caractéristiques de cette architecture.
L'usage de la pierre perdure durant des siècles jusqu'à la fin du XXe siècle, où de nouveaux matériaux font leur apparition. Les pierres artificielles sont de plus en plus utilisées, notamment le béton et les briques, qui deviennent des essentiels de l'architecture moderne.
La pierre demeure un élément essentiel de l'architecture, qu'elle soit utilisée pour ses propriétés esthétiques, pratiques ou économiques.
Le béton
Utilisé pendant la Rome antique, plébiscité pour sa solidité, le béton tombe dans l'oubli avant de refaire peau neuve au XIXe siècle. En effet, pendant des siècles le béton est délaissé pour les matières considérées comme plus nobles : les pierres naturelles et le bois. C'est avec l'avènement de l'architecture moderne que le béton fait son grand retour sur scène.
Attention toutefois à ne pas confondre le "béton ciment"de la Rome antique et le béton moderne, tel qu'on le connait aujourd'hui. Bien qu'ils partagent la dénomination de "béton", ces deux matériaux n'ont en commun que leur définition générale : c'est à dire l'alliance d'un liant et de granulats.
Le béton moderne est le fruit d'une succession d'inventions et d'innovations, ayant pour sources la création du ciment romain par James Parker en 1796 et se terminant avec la définition d'un premier règlement de béton armé en France en 1906. La création du béton armé est une véritable révolution pour l'architecture, dont l'utilisation est popularisée par Auguste Perret.Architecte majeur de la période moderne, ayant grandement contribué à la reconstruction de la ville du Havre après la guerre, Auguste Perret affectionne le béton armé. Ses successeurs perpétuent l'utilisation du béton, jusqu'à sa glorification à travers l'architecture brutaliste.
L'aspect esthétique du béton ne laisse jamais le public indifférent. Le béton attire l'œil, qu'il le séduise ou qu'il lui déplaise. Profondément minéral, le béton peut être utilisé pur ou recouvert de divers revêtements. Grâce à ses propriétés esthétiques et sa grande résistance, le béton est un matériau de choix pour l'architecture.
Le métal
Avant de faire son entrée en architecture au XIXe siècle, le métal était plutôt utilisé pour créer des objets. Connu depuis l'antiquité, le métal devient un élément essentiel des nouvelles considérations architecturales, notamment grâce à la révolution industrielle. D'abord employé pour construire des infrastructures, telles que des ponts, et dans l'ingénierie, le métal est ensuite utilisé pour les charpentes et planchers. L'utilisation du métal permet de réduire la part du bois, limitant ainsi les risques liés aux incendies.
À l'instar de la pierre, la dénomination "métal"regroupe en réalité divers matériaux. Chacun de ces matériaux possède des spécificités qui influencent son utilisation :
- Le fer : blanc, doux ou encore puddlé, le fer à différentes formes. Il est principalement utilisé pour des bâtiments subissant des phénomènes de tractions, et son utilisation est assez coûteuse ;
- La fonte : employée pour les pièces qui servent de support, la fonte peut aussi être moulée pour des éléments décoratifs ;
- L'acier : apparaissant plus tardivement, l'acier allie les qualités du fer et de la fonte. C'est un matériau de premier choix. L'acier moderne est également plébiscité pour sa finesse, permettant de réduire la taille des murs, gagnant ainsi en espace et en légèreté.
La naissance de la sidérurgie moderne permet d'améliorer le métal, qui devient de plus en plus solide, parfois même plus que le béton. Il est également résistant face aux changements de température et à la corrosion. C'est ainsi que le métal gagne une place essentielle en architecture, partageant le podium avec le béton et le verre.
Tout comme le béton, le métal est d'abord plébiscité pour ses qualités techniques. Pourtant, le métal possède un grand pouvoir esthétique, comme le démontre un grand nombre de monuments emblématiques réalisés majoritairement en métal.
Le verre
La beauté transcendante du verre est reconnue depuis des siècles.Durant la préhistoire, le verre est connu sous sa forme naturelle : l'obsidienne.Dès 1 500 avant J.C, il est moulé par cuisson au four pour fabriquer des bijoux et des petits objets. À l'époque médiéval, le verre fait son apparition en architecture, plébiscité pour sa transparence. Les constructions religieuses en raffolent, les vitraux se multiplient et se colorent au fil du temps. Néanmoins, malgré ses hautes qualités esthétiques, le verre est un matériau fragile, rare dans sa forme naturelle et complexe à fabriquer. Il est donc utilisé avec précaution et parcimonie.
À l'instar du métal, c'est au XIXe siècle que l'utilisation du verre prend un nouveau tournant, notamment grâce à la révolution industrielle.La fabrication industrielle du verre, conjuguée à l'utilisation du béton et du métal, offre de nouvelles perspectives pour l'architecture.
Dès lors, les architectes l'emploient dans leurs constructions, lui donnant une place essentielle. Le verre apporte la lumière et l'espace. Employé sur les façades des bâtiments, il a un effet miroir : le ciel et l'environnement s'y reflètent. Les architectes peuvent construire en hauteur sans dénaturer le paysage : le bleu du ciel prend possession du verre et donne aux bâtiments une esthétique particulière et légère.
Objet d'innovations constantes, le verre offre de nouvelles perspectives de constructions. L'Optical Glass House construite par l'architecte Hiroshi Nakamura en est un parfait exemple. La façade de la maison a été réalisée en morceaux de verres optiques, imaginés comme des briques.Cette création innovante permet à la maison de bénéficier d'une incroyable lumière naturelle de l'intérieur, tandis que de l'extérieur les briques légèrement teintées laissent entrevoir les pièces de la maison.
Flotté, durci, trempé, coloré ou encore transparent ... il y a du verre pour tous les goûts !
Les nouveaux enjeux liés à la matière
En résonance avec les nouvelles questions environnementales, de nouveaux enjeux concernent désormais l'utilisation de la matière en architecture : préservation de la matière brute, réduction de l'impact environnemental des constructions. Ainsi, de plus en plus d'architectes travaillent avec des matières recyclées ou fabriquées de manière écoresponsable.
Les architectes et architectes d'intérieurs contemporains ont chacun leur propre rapport à la matière, qu'ils utilisent dans leurs créations pour exprimer leur vision. À l'instar des couleurs, les matières sont un composant essentiel de l'architecture, pour leurs propriétés esthétiques et techniques.
