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Le marbre
d'hier à aujourd'hui

Très prisé pour son cachet et ses qualités architecturales, autant en intérieur qu’en extérieur, le marbre est d’abord connu pour être un des matériaux nobles par excellence. Découvrez comment s’est perpétué l’usage du marbre à travers les siècles, d’hier à aujourd’hui.

Un peu de géologie d’abord : qu’est-ce que le marbre ? Issu du grec ancien μάρμαρος (mármaros), le terme renverrait à une pierre « brillante, pure ». Le marbre appartient aux roches dites métamorphiques, c'est-à-dire dont la composition résulte de modifications physiques de leur milieu (comme la température ou la pression). Ces variations naturelles sont à l’origine des sillons ayant fendu la pierre et dans lesquels se sont glissés divers sédiments, conférant au marbre telle ou telle couleur ainsi que ses veinures caractéristiques.

On désigne par « marbre » de façon générale en architecture, toute pierre calcaire suffisamment solide pour être polie, mais pas forcément composée de cristaux de calcite, qui donnent précisément aux « vrais marbres » leur éclat naturel.

Vrais marbres et pierres marbrières : les différentes teintes

Il se décline en plusieurs couleurs, donnant aux intérieurs qu’il habille un aspect tantôt chic, tantôt original ou bien plus classique. Synonyme de luxe, le marbre évoque le raffinement et les cinq-cents variétés qui existent offrent au sculpteur une palette de choix.

Les coloris principaux peuvent être répertoriés de la sorte :

- Le marbre de Carrare, extrait en Toscane, un des plus durs et aussi le plus prisé pour sa pureté et sa blancheur ;

- Le marbre Bardiglio Nuvolato, gris veiné de blanc ;

- le marbre Bleu turquin, aux stries blanches et noires ;

- L’incarnat de Caunes-Minervois, d’un rouge tirant sur le rose ;

- Le marbre jaune deSienne, dans les tons ocres ;

- Le marbre Portor, noir et veiné par la pyrite qui donne une couleur dorée ;

- Ainsi que le marbre vert de mer, qui doit son nom à l’aspect de ses veines.

Carrière de marbre de Carrare

Il existe évidemment bien d’autres variétés, extraites pour la plupart de carrières françaises et italiennes. Chaque marbre a sa teinte propre, que ce soit la pierre en elle-même ou les veines qui la parcourent ; cette teinte varie en fonction de la présence d’oxydes métalliques dans la roche.

 

L’âge d’or du marbre : les sculptures des civilisations antiques

L’utilisation du marbre dans la Grèce antique puis l’Empire romain est sans doute la plus connue, même si ce n’est pas la plus ancienne. Dès la fin du Néolithique en effet, la civilisation des Cyclades ou lÉgypte prédynastique produisent déjà quelques sculptures.

L’abondance des gisements en Grèce génère une forte exploitation du marbre sur place, particulièrement pour des édifices monumentaux à vocation religieuse. Le temple d'Athéna Nikè sur l’Acropole, aujourd’hui restauré en partie, est un exemple de construction intégralement en marbre du Pentélique, depuis les fondations jusqu’aux tuiles.

Temple d’Athéna Niké, Athènes

Rome s’approprie à son tour ce riche usage du marbre en ne se privant pas d’importer celui-ci à grands frais et d’en faire faire statues et monuments. Jules César fait extraire en grande quantité depuis Carrare, en Italie, et Rome se transforme peu à peu au gré des constructions, toutes largement influencées par la culture sculpturale hellénistique

Victoire de Samothrace (Louvre), marbre de Lartos et de Paros. Sculpture grecque du IIe siècle av. JC

 

Le marbre est donc le matériau roi, que les Romains mêlent parfois au porphyre pour donner plusieurs couleurs à la sculpture. Bustes, reliefs à thème historique ou statues de divinité deviennent des témoins de l’enrichissement de la culture romaine par l’héritage hellénistique. On appelle aujourd’hui « marbres antiques », par opposition aux « marbres modernes », ces blocs (vrais marbres ou autres roches) taillés sous l’Empire romain.

 

L’art paléochrétien durant le Haut Moyen-Âge

Le marbre perdure surtout dans la partie orientale de l’Empire romain, et il devient un des matériaux phares de l’architecture paléochrétienne. L’art byzantin n’hésite pas à mêler allègrement les variétés de roches pour diversifier les parements, et le marbre qui reste le matériau raffiné par excellence, est utilisé pour revêtir les murs d’édifices religieux ou sculpté finement pour orner les chapiteaux.

Basilique Sainte-Sophie (Constantinople), porte en marbre dans la galerie supérieure

 

Il se développe un véritable art de la marqueterie du marbre, créant un effet de « peinture de pierre » : c’est l’opus sectile, qui allie les marbres les plus fins pour jouer sur leurs différentes teintes et obtenir un effet polychrome très travaillé. Sols, murs ou plafonds, tout peut être recouvert de la sorte et ce style dit cosmatesque devient une démonstration de savoir-faire dans l’Italie du Moyen-Âge.

L’exploitation du marbre est cependant moins importante que sous l’Antiquité, mais va connaître un nouveau souffle à la Renaissance.

Un retour aux sources antiques avec la Renaissance

C’est de Toscane que renaît l’utilisation du marbre, sous l’influence des Médicis qui se rendent maîtres de Florence et dont la puissance va croître au cours du XVe et du XVIe siècle. Sous leur impulsion, le marbre est à nouveau intensément exploité et exporté dans toute l’Europe. Pise, Rome et Florence sont les foyers du Rinascimento qui voit l’Antiquité revenir au goût du jour et s’inscrire comme un modèle artistique et esthétique pour les sculpteurs européens.

Le David de Michel-Ange, sculpté dans un bloc de marbre blanc de Carrare, illustre bien le culte voué à la statuaire grecque en même temps que l’esprit de prouesse de la Renaissance : Michel-Ange s’attaque à un bloc laissé à l’abandon plus de quarante ans après les tentatives infructueuses de plusieurs sculpteurs d’en tirer quoi que ce soit.

Torse du David de Michel-Ange, Galleria dell'Accademia (Florence)

Le travail sur les couleurs et alternances de matières est en plein essor : le marbre est plus que jamais à la mode, seul ou couplé à d’autres matériaux. Les autels, colonnes, sols, tombeaux ou balustrades des basiliques italiennes sont autant d’occasions de déployer des trésors d’ingéniosité et de créer des décors toujours plus fastueux.

Ce goût de l’apparat que donne le marbre s’exporte massivement en France surtout pendant le Grand Siècle : Louis XIV, qui veut faire de Versailles la vitrine de la France, use et abuse du marbre dans tout le palais. La galerie des Glaces et ses pilastres en « rouge de Campan », l’appartement des Bains et sa baignoire taillée dans un seul bloc de marbre blanc, le sol de la chapelle royale, les cheminées, les lambris, tout est pensé pour donner à voir le luxe, le raffinement et la diversité des marbres que Colbert fait extraire presque exclusivement en France.

 

L’héritage néo-classique

Un siècle plus tard le marbre connaît toujours le même succès, particulièrement à travers le mouvement néo-classique qui prône -dans la sculpture- un certain retour aux thèmes antiques en même temps qu’une libre interprétation de ces derniers. Parmi ces artistes ayant marqué le tout début du XIXe siècle, le Vénitien Antonio Canova qui offre avec sa Psyché ranimée par le baiser de l’Amour une merveilleuse scène tout en délicatesse sculptée dans du marbre de Carrare.

Psyché ranimée par le baiser de l’Amour (Louvre)

Giovanni Strazza est un autre sculpteur italien également influencé influencé par le romantisme du milieu du XIXe. Sa postérité retient l’une des plus extraordinaires représentations de la Vierge qui soient. Sa Vergine velata est un prodige de virtuosité dans le travail du voile, qui paraît transparent et léger bien que taillé lui aussi dans du marbre de Carrare. Il réalisera de nombreuses copies devant le succès de son chef d’œuvre.

Vierge voilée, Giovanni Strazza (Saint-Jean de Terre-Neuve)

 

Hier…mais aujourd’hui ?

Après ces décennies d’histoire et de performances architecturales, le XXIe siècle aime-t-il toujours le marbre ? À en croire les innombrables choix que proposent aujourd’hui les maisons d’aménagement intérieur, il n’est pas resté l’apanage des demeures royales ni des grandes basiliques. L’usage s’en est en effet beaucoup démocratisé, principalement grâce aux imitations maintenant très réalistes qui permettent de s’offrir à moindre frais un « revêtement marbre » chez soi. Du dessus de la table de bistrot à l’hôtel de luxe, en passant par les murs de la salle de bain ou le lavabo, il semblerait que le marbre se soit invité assez facilement dans le quotidien aujourd’hui.

Encore prisés pour rehausser le standing des maisons de luxe, les vrais marbres n’ont cependant aucunement perdu de leur cachet. Quant aux intérieurs des particuliers, la très actuelle tendance « New Antic », qui remet au goût du jour le style gréco-romain en le revisitant, propose une déco moderne et un design inspiré de la statuaire de l’Antiquité. Il s’agit moins de remettre au centre le marbre lui-même que de rendre hommage à la noblesse du matériau et aux chefs d’œuvre dont il a pris la forme sous l’ère antique.

Conclusion :

Des colonnades de l’Acropole jusqu’aux murs des lofts parisiens, le marbre sort indemne de ses quelques siècles d’âge et n’est pas moins apprécié aujourd’hui. C'est une matière qui a une place importante dans l'histoire de l'architecture. Les codes édictés parla sculpture antique ont marqué durablement les artistes italiens et européens plus largement, qui se sont ensuite approprié les techniques d’extraction et de taille pour jouer des teintes des différents marbres.

Que ce soit pour revêtir les murs d’une salle de bain ou tapisser les cheminées des salons d’un château, l’usage en a perduré jusqu’à aujourd’hui, prouvant que ce matériau reste intemporel et toujours design. Une chose est sûre, ces siècles d’histoire qui ont vu se succéder sculpteurs et décorateurs, puristes ou innovateurs, autour d’un idéal de beauté… ne peuvent laisser de marbre.

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